Dépistage du cancer du sein : des jeunes femmes laissées pour compte

  • Publié le 29 sept. 2025 (Mis à jour le 29 sept. 2025)
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Alors que les cas de cancer du sein ont augmenté drastiquement chez les moins de 50 ans, l’accès à la mammographie et aux autres tests de dépistage demeure limité pour les jeunes patientes.

À 29 ans, Kelly Thibault de Mont-Laurier se bat depuis plusieurs mois pour un dépistage. Comme elle, de nombreuses Québécoises de moins de 50 ans pourtant à risque de développer un cancer du sein se heurtent à un système où l’âge demeure « le seul critère » pour une mammographie, explique sur son site Web la Fondation cancer du sein du Québec.

En effet, seules les femmes de 50 à 74 ans y ont accès grâce au Programme québécois de dépistage du cancer du sein, affirme la Fondation. La réalité est pourtant alarmante : selon cette dernière, près d’un cancer sur 6 est détecté chez des femmes de moins de 50 ans. Chez les femmes dans la vingtaine, on observerait une hausse de 45 % des cas de cancers du sein. « L’âge ne devrait pas être le seul facteur considéré. La science est claire : les antécédents familiaux, la densité mammaire, l’exposition aux hormones, l’indice de masse corporelle et le style de vie influencent tous le risque de développer un cancer du sein », argue la Fondation.

Avoir accès a un dépistage représente une tâche encore plus ardue lorsqu’on ne bénéficie pas des services d’un médecin de famille, partage Kelly Thibault. Après lui avoir diagnostiqué un cancer du sein, l’une des oncologues de la mère de Kelly a fortement suggéré à cette dernière de passer un examen à ses trente ans étant donné les prédispositions génétiques de la maladie. « Je dois passer par le GAP pour avoir une référence pour une mammographie, mais avant ça, je dois voir un médecin qui va m’évaluer et qui va décider si je peux avoir accès à une mammographie ou pas. Je trouve ça un peu aberrant », partage-
t-elle. Son inquiétude vient du fait que les recommandations auraient changé concernant l’âge auquel faire un dépistage. Si Kelly Thibault s’était initialement fait presser de passer des examens dès trente ans, on recommande maintenant de les faire plutôt une dizaine d’années avant l’âge auquel le membre de la famille ayant été atteint (en l’occurrence sa mère) a été diagnostiqué. Pour Mme Thibault, cela signifie potentiellement aucun test avant ses 40 ans, le tout dépendant de la décision du médecin qu’elle rencontrera. « C’est stressant. En dix ans, il peut se passer bien des affaires entre ces deux-là ! », se confie-
t-elle.

Deux mois après avoir contacté le Guichet d’accès à la première ligne (GAP), toujours aucun rendez-vous en vue pour Kelly Thibault. En plus des délais, explique-t-elle, les rendez-vous avec un médecin donnés par le GAP se donnent souvent à Sainte-Agathe, ce qui complique les choses en tant que jeune maman de deux enfants : « C’est vraiment pas simple. »

Une hausse particulièrement inquiétante chez les jeunes femmes

Selon une récente étude dirigée par Dre Jean Seely, professeure au Département de radiologie de l’Université d’Ottawa et directrice du service d’imagerie mammaire de l’Hôpital d’Ottawa, les cancers du sein chez les femmes de moins de 50 ans se font de plus en plus fréquents et se déclenchent de plus en plus tôt. Chez les femmes dans la vingtaine, on a observé entre 2015 et 2019 une hausse alarmante de 45,5 % par rapport aux années 1984 à 1988. On a également dénoté une augmentation de 12,5 % chez les femmes dans la trentaine et une augmentation de 9,2 % chez les femmes dans la quarantaine. Les raisons de cette inquiétante augmentation des cancers chez les jeunes femmes n’ont pas encore été établies, ont expliqué
les chercheuses. La Dre Seely évoque cependant une possible corrélation avec des changements au mode de vie, le début plus hâtif des menstruations et la consommation d’alcool.
« Les résultats de l’étude montrent l’importance de cibler les jeunes femmes dans les campagnes de sensibilisation au cancer du sein et les programmes de dépistage. La santé publique concentre ses efforts
sur les femmes de plus de 50 ans, mais ces résultats suggèrent que les jeunes femmes courent un risque croissant et pourraient bénéficier d’un dépistage précoce et plus fréquent », peut-on lire sur le
site Internet de l’Université d’Ottawa.

Pas crues, pas entendues
Dre Jean Seely affirme aussi que les jeunes patientes sont souvent diagnostiquées à des stades plus avancés que leurs homologues plus âgés. En effet, le personnel médical aurait selon elle moins tendance à pousser les tests lors de la détection d’une anomalie. Le site Web de la Fondation cancer du sein du Québec
regorge d’ailleurs de témoignages de jeunes femmes n’ayant au départ pas été prises au sérieux. L’une d’entre elles, Marie-Eve Couture, diagnostiquée à 31 ans, s’est même vu refuser un examen par une technicienne en raison de son âge, alors que la requête de mammographie avait été envoyée d’urgence par sa gynécologue.

L’importance de bien connaître ses seins
Selon la Société canadienne du cancer, il est essentiel de connaître l’aspect normal de ses seins afin d’y détecter tout changement. Un cancer du sein peut se manifester par l’apparition d’une bosse visible ou palpable sur la poitrine ou sous l’aisselle, parfois d’une taille aussi petite que 1 cm. Cette masse peut être sensible au toucher ou non. D’autres manifestations sont également à surveiller : au niveau de la peau, on peut observer un épaississement, un changement de coloration, une rougeur, une démangeaison ou une enflure persistante, une sensation de chaleur localisée, une ulcération ou une plaie, des veines plus apparentes, une rétraction de la peau ou un effet « peau d’orange ». Un changement d’apparence (déviation, inversion), un écoulement, un eczéma persistant, une ulcération, une croûte ou une desquamation au mamelon sont aussi des signes à ne pas négliger, de même que tout changement du volume ou de la forme d’un sein (déformation, fossettes, creux ou plissements).

« Toutes les femmes devraient connaître l’aspect normal de leurs seins, même si elles passent régulièrement des examens de dépistage. Plusieurs d’entre elles découvrent elles-mêmes leur cancer du sein par des changements observés ou sentis au toucher », rappelle la Société canadienne du cancer. « Que la femme ait recours à une méthode plutôt qu’une autre pour examiner ses seins est sans importance, pourvu qu’elle parvienne à connaître suffisamment la région entière de ses seins – jusqu’à la clavicule et à l’aisselle ainsi que les mamelons – de manière à pouvoir y observer des changements. » La Société canadienne du cancer recommande de signaler tout changement de vos seins à votre médecin, bien que la plupart des changements décelés ne sont pas cancéreux.

Vers un dépistage personnalisé
Le 24 février 2025, la Fondation cancer du sein du Québec annonce une innovation majeure dans le dépistage du cancer du sein par le biais du projet PERSPECTIVE. Grâce à cette initiative, un outil d’analyse génétique novateur a été développé, combinant un test salivaire à un court questionnaire permettant d’évaluer le profil de risque de chaque femme, ce qui favorise une détection plus précoce et, potentiellement, un meilleur taux de survie.

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